Pourquoi pas l’adoption ?
Marie-Andrée Hamel, animatrice à Rythme FM nous fait part de ce qu’elle a vécu, à 17 ans, lorsqu’une grossesse imprévue l’a amenée à confier son enfant à une famille adoptive. Puisse cette expérience ouvrir à d’autres ce chemin de vie pour les enfants à naître.
Une décision importante
J’étudiais en Ontario lorsque je suis tombée enceinte ; j’avais 17 ans. J’ai considéré l’avortement, mais les circonstances m’ont plutôt fait opter pour garder l’enfant. Je me disais : « Advienne que pourra. Je fais confiance. C’est une petite fille ! » Mais ensuite, j’ai pensé : « Quand même, au niveau pratico-pratique, rationnel ? Il faut que je m’en occupe, de cette enfant-là ! Est-ce que j’ai la capacité pour porter autant de responsabilités ? » D’autant plus que, pour moi, il était important qu’elle ait un père et qu’elle ne manque de rien…, mais je voulais vraiment aussi poursuivre mes études.
« O.K., me suis-je dit, il va falloir trouver un emploi. Je n’ai pas tellement d’expérience, ce sera un petit emploi au salaire minimum. Il faudra que je travaille beaucoup, donc la faire garder. Pour subvenir à ses besoins, je ne passerai pas beaucoup de temps avec elle… Je vais en arracher, et elle aussi, parce qu’elle va passer plus de temps avec ses gardiennes qu’avec moi. Ça va me faire de la peine et, en plus, comme la maturité émotionnelle d’un enfant commence dès les premiers instants… »
À la recherche d’une famille
Ma mère m’a parlé de l’adoption mais, pour moi, il n’en était pas question. Pourtant, après mûre réflexion, j’ai finalement décidé de m’orienter dans cette direction-là. Nous sommes allées à la DPJ (La Direction de la protection de la jeunesse est en contact avec des couples prêts à adopter un enfant) pour savoir si je pouvais choisir des parents. Ils m’ont dit : « Oui, il y a des parents qui attendent depuis huit ans pour adopter ! » Alors, j’ai fait une liste de mes critères et de mes valeurs, de tout ce qui correspondait à l’éducation que j’aurais voulu donner à l’enfant. « On a le couple parfait pour toi, m’a-t-on répondu. Ils correspondent à tes valeurs. On peut te les faire rencontrer. »
La rencontre a été un vrai coup de foudre ! Ces gens-là s’aimaient beaucoup. Ils avaient deux fils. Ça a vraiment cliqué entre nous. Nous avons choisi le prénom ensemble et correspondu pendant le reste de la grossesse.
Je voulais éviter tout traumatisme à ma fille, donc elle sait qu’elle a été adoptée. Tous les ans, sa mère m’envoie des photos et des nouvelles. J’ai donc une idée de ce qu’elle a fait cette année-là et de son évolution. La voir heureuse ne me fait pas du tout regretter mon geste, ça le confirme ! Je voulais que ma fille ait une bonne base, au niveau de l’amour et des valeurs, qu’elle soit ancrée sur le roc. Or c’est ce que je vois. Elle est épanouie, et ça me rend heureuse. C’est vraiment une belle histoire ; voilà pourquoi je la raconte. C’est rare, des histoires d’adoption qui tournent bien autant pour les parents adoptifs que pour l’enfant et sa mère naturelle.
Chercher SON bonheur
Dans une société, en 2010, où le MOI est en majuscules, il y a des femmes qui se disent : « Je vais avoir des enfants pour moi, parce qu’ils vont m’aimer inconditionnellement. » Avoir un enfant, ça va beaucoup plus loin ! C’est un geste qui appelle au don de soi. Il faut se demander « Est-ce que j’ai la capacité de m’oublier ? » Avoir un enfant, c’est se donner à fond pour lui ou elle. Je lève mon chapeau aux mères célibataires qui sont capables de passer au travers ! Moi, je ne m’en sentais pas la force. Moi, il y a dix ans, j’ai fait ce que je pouvais pour tout donner à mon premier enfant. C’était ma seule possibilité, c’était mon seul héritage. C’était ma façon de lui assurer un avenir, au plan émotif…
Confier son enfant à l’adoption n’est pas un geste facile, parce qu’on ne pense pas à son propre bonheur, on considère avant tout celui d’un autre être humain ; on cherche son bien-être, autant au niveau financier, qu’au niveau émotionnel. La petite a un papa, une maman, et même deux grands frères qui l’aiment.
Souvent, je me fais juger parce que les gens ne se rendent pas compte que j’ai voulu donner de l’amour avant tout, que je voulais le bien-être de mon enfant avant le mien. Ce n’est pas facile à comprendre pour certains. Il y en a qui pensent qu’aimer, c’est donner-recevoir, ou recevoir tout court… il faut toujours qu’il y ait quelque chose en retour.
Un deuil à faire
Une fois la décision prise, il me fallait vivre tout un processus psychologique. Parce que, il faut à la fois se dire : « Oui, je donne mon enfant » et se laisser la liberté de décider qu’au contraire, on va le garder, si on en sent le besoin. Je ne voulais pas regretter cette décision toute ma vie. J’ai eu la chance d’être très bien entourée. Confier un enfant en adoption nécessite de la force et de la maturité émotionnelle, mais il faut surtout un bon entourage qui nous appuie, qui va au-delà de nos pensées et nous fait cheminer.
Bien sûr, il m’arrive d’être triste : « Peut-être que je n’aurais pas dû. J’aurais pu avoir une petite fille de dix ans maintenant. » Car deux ans plus tard, j’étais apte à prendre soin d’un enfant : j’avais un emploi, un bon salaire, tout ça. Mais un enfant, ce n’est pas un objet, c’est un être humain ! Je ne peux pas la reprendre, ce ne serait pas dans son intérêt. Il faut lui offrir une stabilité pour qu’elle puisse partir sur de bonnes bases dans la vie. C’est le rôle des parents : donner des ailes à un être humain qui ne leur appartient pas, lui fournir tous les outils nécessaires pour voler de ses propres ailes, qu’il puisse aimer, choisir.
Un manque de ressources
Quant à moi, j’ai été chanceuse : ma mère connaissait des infirmières aimantes ayant une base en psychologie et une écoute active. Malheureusement, quelqu’un qui veut confier son enfant à l’adoption et se demande par où commencer risque d’en arracher, parce qu’il n’y a aucune ressource précise pour cela au Québec ! Déjà, ta situation est dure : tu es enceinte et la seule pensée de confier ton enfant à l’adoption te fait pleurer. Si tu dois faire des démarches rationnelles en plus ! Une chance qu’il y a La Roselière ! Oui, avec de l’aide, on peut y arriver, mais il faut le vouloir vraiment.
Et maintenant…
Je viens d’avoir Alexia, qui a cinq mois, je suis une maman comblée. Lorsque le médecin m’a proposé un test d’amniosynthèse pour savoir si la petite était atteinte de trisomie, ou d’une autre maladie grave, je lui ai répondu : « J’ai décidé d’avoir un enfant, peu importe. C’est un être humain, et je vais l’aimer. » J’avais surtout peur d’être une mauvaise mère. J’en ai parlé avec la maman adoptive de ma première fille, qui m’a rassurée : « Ne t’en fais pas ! Tu es pleine d’amour. Il n’y aura aucun problème. Le geste que tu as fait prouve que tu n’es pas une mauvaise mère, au contraire, tu voulais le bien-être de ton enfant. Alors, imagine comment Alexia va être gâtée ! » Quand même, il me restait une crainte : « Est-ce que je vais être capable de m’attacher à elle ? » Tout s’est bien passé ! J’ai de la chance !
(Marie-Andrée HAMEL, Signes vol. 46, no 2, pp. 48-50)